AMARAPURA ( Le pont de U-Bein )

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Avant de nous rendre à la station de taxis nous allons visiter la fabrique des feuilles d'or, ce sont ces fameuses feuilles d'or déposées par les fidèles sur les temples, stupas et Bouddhas.

Fabrique des feuilles d'or:

 

Le procédé de fabrication est particulièrement archaïque. A la sueur de leur front des hommes manient en cadence de lourdes masses, ils frappent des boulettes d'or pour les réduire en de minces feuilles plus fines que du papier à cigarettes. Ces fines feuilles sont ensuite découpées en petits carrés de deux centimètres de coté par des femmes qui travaillent plus de 12 heures par jour. Pour ne pas que les feuilles collent aux doigts, elles s'enduisent les mains de poudre de marbre.

LE PONT DE U-BEIN

 

Voici un taxi ! une petite camionnette bleue ciel plus petite qu'une twingo. Kriss trop corpulent ne peut s'installer sur le plateau arrière, il est obligé de se placer à l'avant avec beaucoup de difficultés.

 

Amarapura se trouve à 15 kilomètres à l'Est de Mandalay, c'est "la capitale immortelle", au milieu de laquelle niche le charmant et magique lac de Taungthaman. Le superbe pont romantique de U-Bein qui enjambe le lac fut construit par le maire de Ava en 1849. Le pont sert de lien entre la ville et la campagne pendant la période des moussons.

 

Nous grimpons sur le pont et atteignons l'autre rive après 1,2 kilomètre de marche sur des planches assemblées et soutenues par 1800 pilotis. Une petite birmane d'une douzaine d'années m'accoste pour tenter de me vendre un collier qu'elle a confectionné elle-même. Elle m'indique qu'il est possible de retourner au point de départ avec une barque et m'emmène chez son père qui possède une embarcation et qui assure la traversée pour un dollar. Kriss est trop lourd, il est donc obligé de retourner à pied.

 

Dans beaucoup de maisons de Amarapura il y a des métiers à tisser pour confectionner les longyis (pièces d'étoffe à carreaux portées par les hommes, des sortes de jupes qui enveloppent la taille). 90% des hommes portent le longyi, vêtement idéal pour le climat. La moitié inférieure peut se relever entre les jambes et se rabattre dans le dos jusqu'à la ceinture pour former un short, permettant de nager ou de courir. Le longyi est plus qu'un vêtement, il peut se transformer en sac en bandoulière, en drap, en nappe de pique-nique, en berceau. Il peut servir aussi de lien pour grimper aux cocotiers et aux palmiers, il sert aussi de rideau de fortune pour se protéger du soleil à travers les vitres des bus.

Rencontres à U Bein:

 

Tournage d'un film, "le gros personnage est Kriss":

         

Avant de regagner Mandalay nous passons par la pagode Kyaugktagyi. Elle est superbe ! ses fresques sont ravissantes, elles évoquent les scènes de vie locale au bord du fleuve et le calendrier astronomique.

Tapisseries brodées à la main:

 

Le taxi nous dépose dans la cour d'une véritable taverne d'Ali baba où nous trouvons tous les styles de réalisations artisanales du Myanmar. Les spécialités sont: l'argent, le bois, la pierre, le jade et surtout les célèbres marionnettes et les kalaga (tapisseries brodées).

Marionnettes birmanes:

 

La caverne d'Ali Baba:

 

Norman Lewis pensait:  "...la religion n'est pas la seule cause de pauvreté dans la création artistique. Pour moi l'art en Birmanie a également été asservi par la magie. Dans ce pays le contenu philosophique de la religion ne s'est pas libéré des entraves de la superstition. Ce sont elles qui ont bloqué l'énergie créatrice de ce peuple...."

LE SPECTACLE DES "MOUSTACHE BROTHERS"

Avant le spectacle nous allons dîner près du théâtre, le monstrueux Kriss commande six sodas et deux plats garnis en double ration. Les birmans qui mangent à nos cotés sont suffoqués. Il est vrai qu'il faut trois birmans pour égaler le poids de Kriss.

   

Les "Pwe" sont des sortes d'opéras populaires où se mêlent la comédie, la danse, le mélodrame et la musique. Ce spectacle est comique et varié, il s'adresse à toutes les générations. Les gags gestuels se passent de toute traduction et les comédiens introduisent de subtils commentaires politiques dans leurs répliques. U-Par-Par-Lay, l'un des comédiens des plus célèbres du pays appartient à la troupe. Il fut arrêté pour s'être laisser aller à épiloguer sur les chapeaux des paysans. Ce dernier disait: "Mon chapeau est si large qu'il protège ma tête du soleil et de la pluie", et il répliquait du tac au tac: "le mien est si large qu'il protège le Myanmar tout entier" en faisant référence au chapeau orné d'étoiles symbolisant la N.L.D (National League for Democraty), avant l'arrestation de Aung San Suu Kyi en 1989. Cette réplique lui valut 6 mois de prison ferme. Il fut à nouveau arrêté  en 1996 lorsqu'il tourna en dérision les généraux aux commandes du pays. Il fut condamné à 7 ans de travaux forcés loin de sa famille.

   

 

Nous attendons l'ouverture, il faut au moins quatre spectateurs pour que le spectacle est lieu. Personne n'arrive et proposons de payer quatre places. En attendant l'arrivée des artistes nous passons un moment avec la famille. Une fille vient nous tenir compagnie, elle prépare du tanaka, le produit de beauté par excellence des femmes birmanes. Dans tous le pays les femmes et les jeunes enfants ont les joues recouvertes de cette crème de couleur sable obtenue à partir d'une bûchette qu'elles frottent sur un mortier de pierre. La pulpe de l'arbre additionnée d'eau donne une crème qu'elles s'enduisent sur le visage. Outre l'effet beauté, le tanaka protège du soleil, de la transpiration et joue le rôle d'antiseptique.

 

Après trente minutes d'attente la porte s'ouvre et nous nous retrouvons dans une pièce de 100 m2, les murs sont couverts de marionnettes, de coupures de journaux et de portraits de Aung San Suu Kyi. Nous avons passé un bon moment et compris que la troupe continue à faire un bras d'honneur à leur régime et qu'ils continuent à mener la lutte qu'a menée Aung San Suu Kyi.

AUNG SAN SUU KYI

Née en 1945, fille du père de l'indépendance du pays elle avait comme maman une ambassadrice en Inde qui eut un certain Rajiv Gandhi comme camarade de classe. Étudiante à Oxford Suu Kyi rencontre son mari, un tibétologue anglais dont elle eut deux enfants. En 1988 elle rentre en Birmanie pour y soigner sa mère, elle devient secrétaire de la ligue nationale pour la démocratie et se trouve à la tête de la contestation au régime. Elle est arrêtée et assignée à résidence. Pendant ce temps son parti remporte les élections de 1990 avec plus de 80% des voix.

      

Lauréate du prix Nobel de la paix elle devient le symbole et le ralliement de toutes les oppositions au régime. Le régime l'isole, la prive de tout contact avec son mari et ses enfants dans le but de la contraindre à s'exiler. Rien n'entame sa détermination et poursuit sa stratégie de non violence et de refus d'affrontement avec le régime, ce qui renforce le prestige dont elle jouit dans son pays mais aussi aux quatre coins de la planète. Les généraux se voient obligés de la libérer en 1995. Elle reprend la tête du N.L.D, si bien qu'elle se retrouve surveillée de près et interdite de meeting. Le jeu du chat et de la souris continue mais ses manoeuvres sont très étroites. Son parti a été décimé par la police et de nombreux activistes mis en prison. Vaclaw Hovel préface son ouvrage, "se libérer de la peur" de la phrase suivante: "Elle a refusé l'exil qu'on lui proposait pour racheter son silence. Assignée à résidence elle a choisi la vérité. Elle est donc le plus admirable symbole de ce pouvoir que possèdent même ceux qui semblent n'en avoir aucun".

       

Les pressions extérieures semblent avoir fonctionné, les discussions entre la N.L.D et la junte ont été suivies en mai 2002 par la libération de Suu Kyi et des membres de son parti. Suu Kyi reste cependant prudente sur l'avenir du Myanmar dont elle décrit la nouvelle situation comme un difficile numéro d'équilibristes. On peut alors espérer le début d'une période de dialogue. Seul le temps nous dira si la glace sera rompue entre la N.L.D et le régime ?

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