LE MYANMAR ( BIRMANIE )

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Mon vol pour Yangon depuis l'aéroport de Bangkok a duré 1 h 30. Contrairement à mes préjugés, les formalités à accomplir sont très simples lorsqu'on est en possession d'un visa. Il y a seulement un an, tous les étrangers devaient changer les dollars en F.E.C (Foreing exchange currencies), sortes de coupons négociables dans les établissements d'état. En sortant de l'aéroport je trouve un birman qui pratique l'échange au noir. Pour 100 dollars j'obtiens 90 000 kiats au lieu de 75 000 si j'étais passé par une banque.

Me voici dans le pays le plus secret et le plus étonnant d'Asie du Sud Est, un pays qui n'a pas bougé depuis des siècles. Un bus bondé me conduit au centre de Yangon, la capitale, et me dépose près de la Pagode Sule. Je vais trouver où me loger et déjà, tout me parait mystérieux. Ici il n'y a aucune similitude avec la Thaïlande, l'Inde ou le Laos. Je suis dans un autre monde où mes premières impressions vont vers l'émerveillement face à une nation originale où l'hospitalité est sans défaut et où la gentillesse des gens est extrême. Je ne sais pas encore ce que je vais trouver dans le Myanmar profond mais tout me laisse présager que je vais vivre des moments inoubliables.

LE MYANMAR

Ce pays à peine plus grand que la France compte trois districts interdits au tourisme. Le temps d'un visa, c'est à dire un mois, me suffira pour en faire le tour. De Yangon je partirai plus au sud dans l'état Karen et remonterai vers les sites incontournables de Mandalay et de Bagan. Plus à l'Est je resterai dans la région du lac Inlé, dans l'état Shan, proche de la frontière chinoise et laotienne.

Le pays dirigé par la junte s'ouvre à peine au tourisme, il est très pauvre et soumis à la répression permanente des généraux. Malheureusement les droits de l'homme y sont bafoués quotidiennement. Le contraste est saisissant entre la magie du pays et le régime dictatorial (45% du budget du pays va à l'armée)

Douceur de vie exceptionnelle et rythme de vie très lent, il va falloir que je m'adapte !

Myanmar signifie " les premiers habitants du Monde ". La junte a choisi ce nom en 1989 afin de couper les liens avec le passé colonial de l'union birmane. Le pays compte 45 millions d'habitants, le chef de l'état est le général Than Shwe depuis 1992, la religion officielle est le bouddhisme Théravada.

Petite vidéo de 12 minutes que j'ai réalisée.  Cliquez sur le lien

http://youtu.be/1ZZir2TmCh0

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Me voici installé à " Polo Guesthouse ". Cet après midi il fait particulièrement chaud (38°C), et je dispose de beaucoup de temps pour découvrir mon quartier et aller contempler le mélange hétéroclite d'édifices coloniaux, de stupas bouddhiques, de temples hindous, d'églises, de mosquées et de pagodes. Yangon est une ville étonnante, rien à voir avec la frénésie de Bangkok mais aux heures d'affluence les voitures disloquées, les vélos, les bus, les rickshaws et les piétons s'enchevêtrent. Yangon est une ville très sure, il n'y a aucun risque à s'y promener de jour comme de nuit. Pas d'agressions, pas de vols, la dictature et la répression policière contribuent certainement à cette situation. En dehors des heures de pointe Yangon semble endormie, l'architecture est anarchique et tristounette. Seuls les quartiers nord sont agréables et verdoyants, les lacs y sont nombreux, surtout à Golden Valley où l'on se sent à la campagne dans une épaisse végétation tropicale parsemée de superbes maisons de teck.

Rencontres à Yangon: 

En rentrant à "Polo Guesthouse" je longe des ribambelles de petites cuisines ambulantes, des éventaires de nourritures diverses et des marchands de pacotilles.

Dans les rues de Yangon:

La nuit tombe vite à Yangon et je me rends dans un restaurant Shan, le restaurant "Noodle 9999..", le chiffre 9 porte bonheur au Myanmar. Je n'ai pas pleinement profité de ma nuit et changerai certainement d'auberge lors de mon prochain passage à Yangon.

La pagode Sulé:

La pagode Sulé est agréable à visiter. Alors que j'effectue le tour du stupa de la pagode j'aperçois un colossal européen qui visite le site accompagné d'un moine drapé de rouge. Ce phénomène européen est un anglais de Liverpool de 21 ans et de 148 kilos, un véritable sumo à la peau de bébé rose. Il s'appelle Kriss, c'est le portrait craché de Rooney le footballeur anglais, il vit  dans une charmante guesthouse nommée "Okinawa". Adresse: N°(64) 32 nd street- Pabedan Tsp- Yangon. Téléphone: 374318. Kriss a choisi le Myanmar car son grand père a vécu dans le nord birman lors de la colonisation de la Birmanie par les anglais.

Temples hindous:

Deux kilomètres me séparent du temple de Kali, un temple hindou exceptionnel dédié à la princesse Kali, reine de la guerre. Pour filmer et prendre quelques photos je suis obligé de demander la permission à un vieux gourou. En face le temple se trouve le marché indien Thien Gyi Zei, un marché incroyablement animé à dominante Bangladeshi, donc musulmane. On y trouve que de la viande de boeuf et des copies de parfums français. L'atmosphère est désuète mais on s'y sent bien parce que la bonne humeur est de partout. Demain je me rendrai au joyau de Yangon, à la Pagode Shwedagon, mais pour l'heure je m'en vais manger un curry bien relevé et quelques samousas.

LA PAGODE SHWEDAGON

  Le Stupa

"......au milieu trône cette pyramide d'or en forme de cloche à long manche qui se voit de loin, sa pointe brille comme du feu et sa base qui s'élargit pour faire un cône immense ressemble à une colline toute en or. De l'or partout, auprès et au loin de l'or se détache sur l'or...."  Paroles de Pierre Loti.

Me voici devant la merveille, la fierté de la ville, la plus belle pagode du Monde, la plus imposante, la plus grandiose. Shwedagon est le centre social et religieux, aujourd'hui les pèlerins et de nombreuses familles sont venues pour pique-niquer. J'accède à la pagode par un immense escalier et comme au Tibet ou au Laddakh il faut contourner l'édifice dans le sens des aiguilles d'une montre. Le stupa central ressemble à une gigantesque cloche renversée qui mesure 100 mètres de haut. Il est entièrement recouvert de 700 kilos de feuilles d'or. Mon regard est magnétisé par une symphonie d'or et de couleurs. Le stupa est entouré de petites pagodes, de temples, de clochetons et d'oratoires. C'est une véritable forêt de récifs, de pics et d'arêtes décorées de fleurs de lotus et de bourgeons de bananiers. C'est fascinant ! J'attends la tombée du jour, le moment magique où la pagode s'illumine, je m'installe sur les marches du petit autel Shinsawbu et m'allume un énorme cheerot (cigare birman).

L'histoire de la pagode remonte à la nuit des temps, il y a 2500 ans deux marchands offrirent à Bouddha des gâteaux de miel après qu'ils eurent médité pendant 49 jours sous le banian sacré. Pour les remercier Bouddha leur donna huit cheveux. Les marchands remirent les cheveux à leur roi qui fit aussitôt construire le Stupa pour les conserver.

L'esplanade de Shwedagon:

Il me faut quitter cet endroit magique mais j'y retournerai certainement avant de quitter le Myanmar, à mon retour à Yangon lorsque je rentrerai du nord.

Rencontres sur l'esplanade de Shwedagon:

C'est mon dernier jour à Yangon, une camionnette-taxi m'emmène au lac royal, le lac de Kanbawgyi, un agréable lieu de promenade ou se trouvent tous les grands hôtel. A l'hôtel Karaweik en forme de barge royale j'assiste à un spectacle de danses traditionnelles et retourne à pied à "Polo".

Le restaurant Karaweik:

Sur mon chemin je traverse le People's park, le parc favori des amoureux, son entrée est payante. Et oui ! se promener main dans la main n'a pas de prix. Je m'arrête à la gare ferroviaire et en profite pour obtenir les renseignements pour mes futurs déplacements. Les trains gouvernementaux sont lents et inconfortables, j'opte pour un train privé en "upper classe", il y a des ventilateurs et les sièges sont rembourrés de crin, la lumière reste allumée toute la nuit et bonjour les moustiques. Demain je me trouverai à Bago et pousuivrai sur Kyaik Ti Yo et Malawmyine.

BAGO

Bago (anciennement Pégu) est une escale obligée pour se rendre à Kyaik Ti Yo et à Malawmyine. Je traverse un défilé de rizières et après cette platitude interminable, j'aperçois au loin la silhouette d'un stupa géant et doré, c'est la pagode Kyaik Pun construite en 1476 par le roi Dhammazedi.

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La pagode consiste en quatre énormes Bouddhas en brique de 20 mètres de haut édifiés dos à dos regardant les quatre points cardinaux. Le monastère de Bago est l'un des plus grands du pays, ici les moines viennent y passer leurs examens. Il est onze heures, l'heure intéressante du déjeuner, les bonzes sont rangés à la queue leu leu, attendent le gong et avancent en silence vers le réfectoire, ils se groupent par table de six et déjeunent sans un mot. Le vénérable mange seul dans son coin.

A quelques pas d'ici je m'en vais voir le célèbre Bouddha couché de 55 mètres de long et de 15 mètres de haut.

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Après 5 heures de route dans une camionnette surchargée je me retrouve au camp de base "Kinpun Kamp". Il est très tard et "Seasar guesthouse" est déjà fermée. C'est la seule ici. Alors le chauffeur de la camionnette me trouve un asile sur des nattes d'osier. Heureusement que j'ai avec moi mon sac à viande pour me protéger des moustiques.

Mon auberge de fortune:

Je suis debout à 5 heures du matin, la bonne heure pour assister au défilé de deux cents bonzes en file indienne du plus petit au plus grand. Ils vont faire l'aumône (seulement de la nourriture).

Rencontres à Kinpun Kamp:

A 6 heures, des dizaines de camionnettes attendent les pèlerins, il en part une toute les trente minutes, je m'installe dans la file d'attente et avance centimètre par centimètre. Ça y est je suis entassé à ciel ouvert, assis sur des planches bancales, la route est longue, elle serpente pendant 30 kilomètres pour arriver à 1000 mètres d'altitude à Kyaik Ti Yo.

LE ROCHER D'OR

Kyaik Ti Yo est le site du "rocher d'or", il est très difficile d'accès mais tous les birmans s'y sont rendus au moins une fois dans leur vie. Il est une des " 7 merveilles du monde birman". Pour l'atteindre j'emprunte un long sentier en lacet sous 38°C. Au fur et à mesure que j'avance je peux apprécier la masse de ce roc sphérique qui grossit de plus en plus à mesure que je l'approche.

M'y voici , le "rocher d'or" comme son nom l'indique est un énorme rocher de six mètres de diamètre entièrement recouvert de feuilles d'or. Il se maintient en équilibre au bord d'un précipice et ne repose que sur une base de un mètre carré. La légende dit "...trois hommes suffiraient pour faire basculer le rocher sacré, mais il ne peut pas tomber car un cheveu ayant appartenu à Bouddha le maintiendrait et l'empêcherai de basculer..".

Les personnes âgées et les malades peuvent  y monter en palanquin. Le prix à payer est fonction du poids du client.

Il est temps de regagner Kinpun Kamp où j'ai réservé deux nuits à "Seasar guesthouse". Je m'accorde une journée de repos avant de partir pour Malawmine.

Ma guesthouse à Kinpun Kamp:

Il frise les 40°C et profite de communiquer avec la France, les boutiques Internet ne sont pas nombreuses et bien souvent les messages sortants sont contrôlés et parfois interdits. Ici j'ai l'impression d'être une grande personnalité, tous les gens me connaissent, ils savent tout de moi, partout je suis interpellé. C'est sympa ! je dîne au restaurant Seasar et préfère les nouilles sautées au poulet plutôt que les testicules de chevreau qui me sont proposés.

Rencontres au rocher d'or:

C'est en bus que je me rendrai demain à Malawmine.

MALAWMINE

Malawmine (ou Moulmein) est implantée dans un environnement exceptionnel, un des plus beau du Myanmar. Entourée de collines envahies par la végétation tropicale la ville s'étale le long d'un large fleuve venu du Tibet, le Salouen, qui se jette dans la mer d'Andaman. Malawmine est la capitale de l'état Môn, elle n'est ouverte aux touriste que depuis 1948. Cette ville est une perle de l'orient, ici j'ai l'impression de remonter le temps. Je m'installe à "Breeze guesthouse" au bord de la rivière Salouen.

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Mon logement à Malawmine:

Dans les rues de la ville:

Aujourd'hui il fait très chaud et n'ai pas la meilleure forme, je n'ai même pas le courage de sortir et reste à l'ombre pour bouquiner. Vers 17 heures j'embarque sur une pirogue pour aller sur la petite île du lavage des cheveux "Shampoo Island" où les femmes n'ont pas accès car elles sont considérées impures par le bouddhisme birman. L'îlot compte 70 stupas et un nombre important de statues dédiées à des divinités. Ce dimanche soir je suis très fatigué et n'ai pas un gros appétit, je me contente d'un canard braisé. Demain j'irai à Mudon voir le Bouddha de Win Sein.

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Je ne sais pas si je vais avoir la force de poursuivre tellement je suis cassé. Mudon n'est pas très loin, je me fais violence car je ne veux pas quitter le coin sans aller voir le Bouddha couché de Win Sein.

Entrée et route d'accès:

Le Bouddha de Wie Sein est le plus gigantesque Bouddha couché du monde, en hauteur il atteint la taille d'un immeuble parisien et il mesure 200 mètres de long. Son oeil unique en acier mesure sept mètres de diamètre. Ce chantier n'est pas complètement terminé, il durera encore des années. C'est au vénérable moine ascétique Bhaddanta Kesara que l'on doit cette oeuvre qui défigure les si belles montagnes environnantes.

Je ne prendrai pas le train pour Yangon ni aujourd'hui ni demain car je frise les 40°c de fièvre. Je suis tellement terrassé que le patron de ma guesthouse m'embarque dans sa Toyota pour me conduire chez son copain sorcier qui me remet un sachet de poudre blanche qui n'est rien d'autre que du paracétamol. Je suis bloqué à Malawmine et en profite pour bouquiner un livre concernant la cuisine birmane.

Nourriture du Myanmar: 

Contrairement à l'Inde, les curry Bamars sont doux car il n'y a aucun piment dans leur préparation mais un masala de curcuma, gingembre, aïl, sel, oignon et huile. La soupe de lentille (peh hin ye) est originaire d'Inde, on la sert rehaussée de navet, pommes de terre et orkra. Le "Thouq" est une salade épicée à base de fruits ou de légumes crus mélangés à du jus de citron, d'oignons et de cacahuètes. La soupe de nouilles est un mélange de nouilles au riz avec des morceaux de poulet trempé dans une sauce épicée à base de lait de coco. Pour terminer les repas, les birmans mangent le "lahpeq thouq", une salade de feuilles de thé vert humide mélangées à des graines de sésames, des petits pois frits, des crevettes séchées, d'ail frit, de cacahuètes, de noix de coco et de gingembre pilé. Les repas sont accompagnés de thé, de soda ou de bière et pour finir il y a le "toddy", la boisson alcoolisée des paysans, issue du sommet des palmiers au parfum de noisette, et une eau-de-vie succulente, eau-de-vie d'orange.

Ca va beaucoup mieux, je prends le train N°82 Down qui me déposera à Yangon. Cette fois je choisis "Okinawa guesthouse", celle qui m'a été recommandée par Kriss.

"Okinawa" Ma nouvelle guesthouse à Yangon:

Aujourd'hui j'ai le temps de flâner dans la capitale, sur les trottoirs je croise des gens au sourire sincère qui accomplissent les gestes de la vie quotidienne. Je m'arrête devant un étal à bétel (kunya). Le bétel se présente sous forme de petits morceaux de noix d'arec séchée, enveloppés dans une feuille de bétel avec de la chaux et parfois avec du tabac parfumé ou de la menthe. Cette préparation est destinée à être mâchée et conservée longuement dans la bouche avant d'être crachée sur les trottoirs. La noix contient un alcaloïde qui procure une sensation de bien-être et qui a pour effet de tuer les vers du tube digestif, (les vétérinaires occidentaux s'en servaient comme vermifuge).

Feuilles de Bétel:

Au marché de "Theingyi Zei" je trouve des serpents. Le sang et les abats de ces reptiles servent pour des fins médicinales. Un commerçant est juste en train de dépecer un bungaré (serpent local).

Retour à "Okinawa" j'appelle un taxi pour qu'il me conduise à la gare centrale des bus pour Mandalay. Inutile d'essayer de m'endormir, il me faut résister à la conduite sauvage du conducteur. Les fauteuils sont très durs, le bruit des tôles et crissement des freins sont insupportables. Il fait très très chaud, les arrêts sont fréquents. A trois heures du matin le sommeil me gagne mais pas pour longtemps car nous pénétrons dans l'état Shan où l'armée nous arrête pour un contrôle. Le Myanmar n'est autre qu'une juxtaposition de petits états seigneuriaux. Le gouvernement a du mal à concevoir qu'une personne puisse avoir l'envie de visiter le Myanmar. Bon ! pas de problème pour ce qui me concerne, la démarche a été longue mais nous reprenons la route. Après 15 heures de route depuis Yangon me voici à Mandalay.

MANDALAY

Somerset Maugham disait:  "..l'intonation descendante de ce nom charmant s'est enrichi du clair obscur de la poésie. "

Avec ses 150 monastères et ses 70 000 moines la "cité d'or" est la ville symbole de la foi bouddhique. C'est aussi la ville aux cinq "P" (Parcs, Pagodes, Prostituées, Parias, Prêtres), j'en rajouterai un sixième, celui de Paranoïa, car la présence de la police secrète surveille constamment les leaders de l'opposition birmane. L'ambiance ici n'est pas à la décontraction !

Dans la rue:

Mandalay est une ville étape, ce sont ses environs aux sites fascinants qui m'y ont attiré. A Mandalay il fait très chaud, la ville est poussiéreuse et l'air est irrespirable. Les quartiers de la ville sont alimentés en électricité à tour de rôle, heureusement que le "Royal Hôtel" dispose d'un groupe électrogène. A peine débarqué au "Royal", qui vois je à la terrasse ? Kriss de Liverpool. Il vient d'arriver de Kalaw la ville dans laquelle vivait son grand père.

Mon hôtel à Mandalay:

Une fois installé je loue un vélo, Kriss ne peut pas car sa stature et son poids ne lui permettent pas d'utiliser un tel moyen de transport. Nous nous donnons rendez-vous pour ce soir.  Me voilà dans Mandalay qui doit son nom à la colline qui culmine à 236 mètres. C'est la deuxième ville du pays avec 700 000 habitants. La présence chinoise est forte ici et cette ville est considérée comme repère de la prostitution et de l'héroïne. La vie attractive se trouve près du palais royal, le long des rives de l'Irrawady. Je pédale jusqu'à la pagode du "grand sage" construite en 1784 et recouverte de quinze centimètres de feuilles d'or par les fervents bouddhistes. Tous les matins les birmans lavent le visage du Mahamuni et lui brossent les dents. Ce soir au restaurant Aye Myit j'opte pour des cailles au curry rouge avec de gros haricots et Kriss préfère la cervelle de mouton. Demain matin nous partirons ensemble pour visiter la forteresse nous rendre à Amarapura et terminer la soirée au théâtre des "Moustache Brothers".

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Avant de nous rendre à la station de taxis nous allons visiter la fabrique des feuilles d'or, ce sont ces fameuses feuilles d'or déposées par les fidèles sur les temples, stupas et Bouddhas.

Fabrique des feuilles d'or:

Le procédé de fabrication est particulièrement archaïque. A la sueur de leur front des hommes manient en cadence de lourdes masses, ils frappent des boulettes d'or pour les réduire en de minces feuilles plus fines que du papier à cigarettes. Ces fines feuilles sont ensuite découpées en petits carrés de deux centimètres de coté par des femmes qui travaillent plus de 12 heures par jour. Pour ne pas que les feuilles collent aux doigts, elles s'enduisent les mains de poudre de marbre.

LE PONT DE U-BEIN

Voici un taxi ! une petite camionnette bleue ciel plus petite qu'une twingo. Kriss trop corpulent ne peut s'installer sur le plateau arrière, il est obligé de se placer à l'avant avec beaucoup de difficultés.

Amarapura se trouve à 15 kilomètres à l'Est de Mandalay, c'est "la capitale immortelle", au milieu de laquelle niche le charmant et magique lac de Taungthaman. Le superbe pont romantique de U-Bein qui enjambe le lac fut construit par le maire de Ava en 1849. Le pont sert de lien entre la ville et la campagne pendant la période des moussons.

Nous grimpons sur le pont et atteignons l'autre rive après 1,2 kilomètre de marche sur des planches assemblées et soutenues par 1800 pilotis. Une petite birmane d'une douzaine d'années m'accoste pour tenter de me vendre un collier qu'elle a confectionné elle-même. Elle m'indique qu'il est possible de retourner au point de départ avec une barque et m'emmène chez son père qui possède une embarcation et qui assure la traversée pour un dollar. Kriss est trop lourd, il est donc obligé de retourner à pied.

Dans beaucoup de maisons de Amarapura il y a des métiers à tisser pour confectionner les longyis (pièces d'étoffe à carreaux portées par les hommes, des sortes de jupes qui enveloppent la taille). 90% des hommes portent le longyi, vêtement idéal pour le climat. La moitié inférieure peut se relever entre les jambes et se rabattre dans le dos jusqu'à la ceinture pour former un short, permettant de nager ou de courir. Le longyi est plus qu'un vêtement, il peut se transformer en sac en bandoulière, en drap, en nappe de pique-nique, en berceau. Il peut servir aussi de lien pour grimper aux cocotiers et aux palmiers, il sert aussi de rideau de fortune pour se protéger du soleil à travers les vitres des bus.

Rencontres à U Bein:

Tournage d'un film, "le gros personnage est Kriss":

Avant de regagner Mandalay nous passons par la pagode Kyaugktagyi. Elle est superbe ! ses fresques sont ravissantes, elles évoquent les scènes de vie locale au bord du fleuve et le calendrier astronomique.

Tapisseries brodées à la main:

Le taxi nous dépose dans la cour d'une véritable taverne d'Ali baba où nous trouvons tous les styles de réalisations artisanales du Myanmar. Les spécialités sont: l'argent, le bois, la pierre, le jade et surtout les célèbres marionnettes et les kalaga (tapisseries brodées).

Marionnettes birmanes:

La caverne d'Ali Baba:

Norman Lewis pensait:  "...la religion n'est pas la seule cause de pauvreté dans la création artistique. Pour moi l'art en Birmanie a également été asservi par la magie. Dans ce pays le contenu philosophique de la religion ne s'est pas libéré des entraves de la superstition. Ce sont elles qui ont bloqué l'énergie créatrice de ce peuple...."

LE SPECTACLE DES "MOUSTACHE BROTHERS"

Avant le spectacle nous allons dîner près du théâtre, le monstrueux Kriss commande six sodas et deux plats garnis en double ration. Les birmans qui mangent à nos cotés sont suffoqués. Il est vrai qu'il faut trois birmans pour égaler le poids de Kriss.

Les "Pwe" sont des sortes d'opéras populaires où se mêlent la comédie, la danse, le mélodrame et la musique. Ce spectacle est comique et varié, il s'adresse à toutes les générations. Les gags gestuels se passent de toute traduction et les comédiens introduisent de subtils commentaires politiques dans leurs répliques. U-Par-Par-Lay, l'un des comédiens des plus célèbres du pays appartient à la troupe. Il fut arrêté pour s'être laisser aller à épiloguer sur les chapeaux des paysans. Ce dernier disait: "Mon chapeau est si large qu'il protège ma tête du soleil et de la pluie", et il répliquait du tac au tac: "le mien est si large qu'il protège le Myanmar tout entier" en faisant référence au chapeau orné d'étoiles symbolisant la N.L.D (National League for Democraty), avant l'arrestation de Aung San Suu Kyi en 1989. Cette réplique lui valut 6 mois de prison ferme. Il fut à nouveau arrêté  en 1996 lorsqu'il tourna en dérision les généraux aux commandes du pays. Il fut condamné à 7 ans de travaux forcés loin de sa famille.

Nous attendons l'ouverture, il faut au moins quatre spectateurs pour que le spectacle est lieu. Personne n'arrive et proposons de payer quatre places. En attendant l'arrivée des artistes nous passons un moment avec la famille. Une fille vient nous tenir compagnie, elle prépare du tanaka, le produit de beauté par excellence des femmes birmanes. Dans tous le pays les femmes et les jeunes enfants ont les joues recouvertes de cette crème de couleur sable obtenue à partir d'une bûchette qu'elles frottent sur un mortier de pierre. La pulpe de l'arbre additionnée d'eau donne une crème qu'elles s'enduisent sur le visage. Outre l'effet beauté, le tanaka protège du soleil, de la transpiration et joue le rôle d'antiseptique.

Après trente minutes d'attente la porte s'ouvre et nous nous retrouvons dans une pièce de 100 m2, les murs sont couverts de marionnettes, de coupures de journaux et de portraits de Aung San Suu Kyi. Nous avons passé un bon moment et compris que la troupe continue à faire un bras d'honneur à leur régime et qu'ils continuent à mener la lutte qu'a menée Aung San Suu Kyi.

AUNG SAN SUU KYI

Née en 1945, fille du père de l'indépendance du pays elle avait comme maman une ambassadrice en Inde qui eut un certain Rajiv Gandhi comme camarade de classe. Étudiante à Oxford Suu Kyi rencontre son mari, un tibétologue anglais dont elle eut deux enfants. En 1988 elle rentre en Birmanie pour y soigner sa mère, elle devient secrétaire de la ligue nationale pour la démocratie et se trouve à la tête de la contestation au régime. Elle est arrêtée et assignée à résidence. Pendant ce temps son parti remporte les élections de 1990 avec plus de 80% des voix.

Lauréate du prix Nobel de la paix elle devient le symbole et le ralliement de toutes les oppositions au régime. Le régime l'isole, la prive de tout contact avec son mari et ses enfants dans le but de la contraindre à s'exiler. Rien n'entame sa détermination et poursuit sa stratégie de non violence et de refus d'affrontement avec le régime, ce qui renforce le prestige dont elle jouit dans son pays mais aussi aux quatre coins de la planète. Les généraux se voient obligés de la libérer en 1995. Elle reprend la tête du N.L.D, si bien qu'elle se retrouve surveillée de près et interdite de meeting. Le jeu du chat et de la souris continue mais ses manoeuvres sont très étroites. Son parti a été décimé par la police et de nombreux activistes mis en prison. Vaclaw Hovel préface son ouvrage, "se libérer de la peur" de la phrase suivante: "Elle a refusé l'exil qu'on lui proposait pour racheter son silence. Assignée à résidence elle a choisi la vérité. Elle est donc le plus admirable symbole de ce pouvoir que possèdent même ceux qui semblent n'en avoir aucun".

Les pressions extérieures semblent avoir fonctionné, les discussions entre la N.L.D et la junte ont été suivies en mai 2002 par la libération de Suu Kyi et des membres de son parti. Suu Kyi reste cependant prudente sur l'avenir du Myanmar dont elle décrit la nouvelle situation comme un difficile numéro d'équilibristes. On peut alors espérer le début d'une période de dialogue. Seul le temps nous dira si la glace sera rompue entre la N.L.D et le régime ?

PYIN-U-LWIN

Avec Kriss nous convenons de poursuivre ensemble le reste de notre voyage dans le Myanmar. D'autant que nous comptons tous les deux nous rendre au lac Inlé et à Bagan.

Départ pour Pyin-u-Lwin (ou Maymyo), à 1070 mètres d'altitude. La route est charmante et sinueuse, les arrêts sont fréquents car il faut remplir constamment d'eau le radiateur du bus. A mi-chemin nous nous arrêtons pour admirer de somptueux paysages. Le long de la route les villageois vendent des cubes de bois destinés à bloquer les véhicules stationnés en pente raide. En bas s'étend Pyin-u Lwin, cette petite ville abrite près de 5000 népalais et 10 000 indiens. Elle doit sa réputation aux pulls tricotés à la main par les femmes. Pour circuler dans la ville c'est un moment de plaisir avec de minuscules voitures fermées tirées par des poneys. Notre passage ici est pour visiter les environs de la ville qui offrent des sites naturels attrayants, des grottes, des cascades et de petits villages Shan. Près de Anisakan nous abordons une longue descente à travers une belle gorge et ne regrettons pas nos efforts car la cascade à cinq niveaux est spectaculaire.

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Ce soir au "Golden Dream hôtel" nous organisons notre descente sur Bagan. Après maintes discussions nous optons pour la solution fluviale. Nous prendrons le "slow boat" et descendrons le fleuve Irrawady. Le bateau doit lever l'ancre à cinq heures du matin, nous estimons notre arrivée à Bagan vers 19h30. Heureusement que le trajet en "slow boat" est plus rapide en descente qu'à contre courant !

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Le fleuve Irrawady "fleuve éléphant" est le fleuve nourricier du Myanmar et l'artère vitale du pays. Long de 2700 kilomètres il prend sa source au Tibet dans l'Himalaya et traverse le pays du nord au sud pour se jeter dans le golfe du Bengale, il est navigable sur plus de 1600 kilomètres.

Nous partons depuis la jetée de Garwwein. L'ambiance à bord est sympathique et familiale. Nous sommes les seuls européens à bord et allons cohabiter pendant 14 heures avec les locaux.

En cette saison il n'y a pas beaucoup d'eau dans l'Irrawady, c'est la troisième fois que le bateau échoue sur un banc de sable. Les arrêts sont longs, 15 à 20 minutes au large des petits villages que nous longeons. Le bateau ne peut pas aborder sur le rivage et il faut descendre en équilibre sur des planches déployées depuis le pont du bas jusque sur la rive. Les enfants n'utilisent pas ces poutres, ils se jettent par dessus bord et regagnent le rivage à la nage. Chacun va faire de rapides emplettes et au moment où la cloche tinte c'est la ruée pour remonter.

A Pakokku le bateau marque un très long arrêt, de nombreux passagers débarquent des tonnes de marchandises tandis que d'autres futurs passagers embarquent à leur tour des tonnes de marchandises destinées au marché de Bagan. La nuit commence à tomber, le soleil est très bas, les couleurs sont féeriques, le ciel est rougeâtre et le fleuve orangé. Tout le monde est appuyé à la rambarde et est ébloui par ce décor sublime. Au loin les premières lumières de Bagan sont perceptibles. Bientôt nous serons à quai.

Le port fluvial de Bagan se situe en contre bas. Pour monter sur la ville nouvelle qui se nomme Nyaung-U, des chauffeurs de motocyclettes s'arrachent les passagers. Kriss est obligé de monter à pied car personne ne veut prendre le risque de le véhiculer. Je me charge de son sac et nous donnons rendez-vous au sommet. Il est 20 heures et fait encore 38°C, beaucoup de birmans nous l'avaient dit: "Bagan et ses environs est la région la plus chaude du pays". Nous débarquons à Inn Wa une guesthouse gentille et dotée de chambres climatisées.

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